2019
En 2019, le Prix Atelier Studer/Ganz comprenait la participation a un atelier d’écriture de six jours, sous la direction d’Eugène (Meiltz) et d’Antoine Jaccoud à La Ferrière, Hôtel de la Chaux-d'Abel, qui s’est déroulé en deux parties fin juin et fin août, ainsi qu’une lecture publique le 24 octobre 2019 au Théâtre 2.21 de Lausanne. Sur les 85 candidatures, le jury a récompensé les six autrices et auteurs suivants : Caroline Despont, Numa Francillon, Jean-Marc Huguenin, David Janelas, Alice Kübler, Lucie Schaeren.
Atelier d'écriture
Six jours d’écriture
Quel est le point commun entre un ancien professeur d’économie, un comédien diplômé de l’Ecole Dimitri et une gymnasienne ? Les ateliers d’écritures organisés par la Fondation Studer/Ganz, bien sûr ! Cette année, plus de quatre-vingt personnes ont envoyé un dossier de candidature. Six d’entre eux ont été sélectionnés. Et nous nous sommes rencontrés à l’Hôtel de la Chaux-d’Abel, sur les crêtes du Jura, pour deux grands week-ends d’écriture.
Des mélèzes, des pâturages, des fermes, quelques éoliennes figées par l’absence de vent, des murs en pierre sèche, un ciel traversé de nuages gros comme des paquebots. Et quelle nuit ! A la Chaux-d’Abel, la pollution lumineuse n’est qu’un lointain problème ! La nuit existe pour de vrai. Au-dessus de nos têtes, des myriades d’étoiles. Tel fut notre monde durant trois jours en juin et trois autres en août.
Comme je le disais, une des six participant(e)s était encore au gymnase. Ou plus précisément elle passait son bac. Ce qui devait arriver arriva : un matin, elle a demandé la permission de quitter l’atelier d’écriture pour rentrer dans sa ville passer un dernier examen. Et pas n’importe lequel : son oral de français ! Elle ne voulait pas tomber sur Baudelaire ; elle a tiré Voyage au bout de la nuit. Tout va bien ! Franchement, quoi de plus réjouissant pour un atelier d’écriture qu’une autrice si jeune ?
Parfois les consignes qu’Antoine Jaccoud et moi avons données étaient en relation avec notre lieu de séjour : le paysage, un arbre, un cheval. Parfois, nous avons proposé de partir complètement ailleurs. Par exemple, raconter sa vie à Prague, une ville où aucun des participants à l’atelier n’a séjourné. Le réel ou la fiction : quel est le chemin le plus simple ? D’ailleurs existe-il une description réaliste qui ne soit pas redevable à la fiction ? Pour mettre tout le monde d’accord, il y a eu cet exercice : raconter deux souvenirs liés à un(e) voisin(e). L’un doit être inventé, l’autre authentique. Lequel est le plus facile à écrire ? Quant au lecteur, saura-t-il identifier quelle histoire est vraie ?
Ecrire un ou deux textes par jour, puis commenter ceux des autres, se plonger dans de nouveaux univers : les échanges ont été intenses et toujours riches autour de la table. Ce qui tient toujours du miracle, puisque le premier jour personne ne connaît personne.
Cette année, Antoine Jaccoud et moi avons proposé un nouvel exercice : tenir le journal de la création. Comme il y avait six jours d’écriture et que le nombre de participants s’élevait également à six, chacun à tour de rôle a raconté une journée. Comment se passe sa journée d’écriture ? Qu’éveillent en lui les textes lus par les autres ? De quoi parle-t-on durant les repas ? Comment est le ciel cet après-midi ? Qui sont les clients de l’hôtel ? Que me raconte la lune ce soir ? Bref : ce qu’on voit en soit et autour de soi. Chaque journée démarrait par le compte rendu de la veille. Certains sont restés au plus près des faits tels qu’ils ont été vécus, d’autres sont partis dans la fable pour raconter notre journée. Encore une fois la question s’est posée : qu’est-ce qui parle le mieux de nous ? L’écriture objective ou la fiction ?
En tout cas, ce fut une bonne occasion de prendre de la distance par rapport à sa propre pratique de l’écriture et d’interroger celle des autres.
Une manière aussi de laisser une trace, un souvenir de ces six jours d’écriture offerts par la Fondation Studer/Ganz.
Eugène
Lecture
Six interprètes de leurs propres textes
Théâtre 2.21 à Lausanne. Un jeudi d’octobre pluvieux. 19h30
Dans le foyer du théâtre, un écran géant propose des extraits du journal de la création. Des réflexions, des descriptions, des commentaires de la part des six participants aux ateliers Studer/Ganz passent comme un cortège de souvenirs, entrecoupés par des photos prises durant nos six jours d’écriture dans le Jura. Dans quelques minutes, la lumière s’allumera sur six micros. Six nouveaux auteurs seront mis en avant.
Pour la plupart d’entre eux, la lecture publique constitue une première. A tel point que durant les essais son et lumière de l’après-midi, au moment de « régler les salut » comme on dit au théâtre – décider comment se déroulera le moment durant lequel les personnes présentes sur scène viennent saluer le public en train d’applaudir – un des auteurs s’est écrit : « Mais on ne va pas quand même pas se pencher en avant et faire tout ce tralala ! » Tout à coup, il réalisait qu’il avait changé de statut. D’écrivain assis à sa table de travail face à son cahier ou son ordinateur, il devenait interprète. Ceci dit, il avait parfaitement le droit de ne pas « saluer » ! Faire autre chose. Ou ne rien faire. A lui de décider quelle relation il souhaitait entretenir avec le public.
20h. La lumière est bonne ; le son de chaque micro a été testé ; l’ordre de passage est établi. Le public est venu nombreux. Bref, le cadre est bon.
Maintenant, c’est le grand saut. Prendre la parole pour donner à entendre ses textes. Il sera question d’un arbre, du corps de l’autre, de la ville de Prague parcourue à pieds ou en métro, d’un vaisselier lourd comme un cheval mort reçu en héritage, d’un voisin DJ grand amateur de bronzette et d’un couple faisant l’amour sur le pont d’un ferry.
Le public est touché. Tour à tour, l’atmosphère est grave, légère ou ironique. Les six écrivain(e)s testent en direct l’effet produit par leur prose, leurs aphorismes ou leurs dialogues.
Le public rit-il là où je le souhaitais ? S’il rit à d’autres moments, j’aurais produit du comique involontaire… Le public semble décrocher durant ce passage. Cela signifie-t-il que cette digression est trop longue ? J’aurais peut-être dû déplacer ce paragraphe plus loin pour attaquer par une phrase plus incisive…
L’épreuve de la scène est importante dans la vie d’un texte. Cela ne signifie pas qu’on va tout réécrire. Mais la lecture publique apporte quelques retours intéressants sur sa propre production littéraire.
21h10 La lumière s’éteint sur un dernier éclat de rire. Et se rallume sur six écrivain(e)s ravi(e)s. Le public conquis est vraiment étonné que des textes aussi touchants et variés puissent naître dans des ateliers d’écriture. En descendant de scène, les six interprètes discutent avec leurs proches ou des inconnus. Il y a des échanges et des étincelles dans les regards. On a vécu un beau moment de littérature.
Eugène
29 octobre 2019
Portraits et textes
BIO – Caroline Despont
Née un mois avant les premiers pavés, elle cherche la liberté dans sa fascination pour l’écrit. Elle vit cette passion dès son plus jeune âge en s'emparant des livres de la bibliothèque paternelle. Un père qui fait planer une atmosphère jazzy dans la cuisine où flottent des effluves gourmandes. Celle qui déclenche ce besoin d'écrire c’est Virginia Woolf et son essai « Une chambre à soi ». Caroline Despont écrit à partir de sa propre matière, hors d'une démarche autobiographique. Elle croit au pouvoir de la littérature comme moyen de grandir et d’enrichir le lien humain, elle croit que c’est dans la littérature que se trouvent certaines réponses aux questions existentielles que nous nous posons tous. En mars 2018, douze de ses textes sont publiés dans la revue Persil à l’issue de l’Atelier d’écriture de la Ville de Lausanne conduit par Marius Daniel Popescu. Elle collabore en octobre 2018 avec le photographe Gennaro Scotti à l'occasion de son exposition à la Fondation Bolle intitulée « Objectif Morges » pour laquelle elle a proposé cinq textes courts interprétant librement cinq photos issues de l'exposition. Ce travail a fait l'objet d'un coffret souvenir pour les visiteurs. En parallèle de sa démarche d’écriture, elle est membre du jury du Prix des Lecteurs de la Ville de Lausanne 2016. En décembre 2016, elle co-crée La Revue des Citoyens des Lettres dont le but est de promouvoir des auteur.e.s écrivant en langue française, non publiés à compte d'éditeur. Elle anime depuis peu un atelier d’écriture intitulé « Mots de femmes ». Elle travaille actuellement sur un recueil de poésie et textes courts illustré par Gennaro Scotti et sur une fiction.
La poème « Le Poète écorce » a été primé « Trophée de la meilleure inspiration 2020 » par la Revue de poésie la Colline Inspirée créée par les éditions La Colline Inspirée à l’Université de Kinshasa : editionscollineinspiree.wordpress.com.
Avec Samy Manga, elle a publié le recueil de poésie « Opinion poétique » en 2020, aux éditions L'Harmattan. Avec le photographe Gennaro Scotti, publication de « Là où on ne se laisse jamais », Le Cadratin, 2021.
Ce qu’elle dit d’elle
« Suis-je une artiste ?
Avant tout je suis une femme.
Artistes, nous le sommes tous. La créativité réside en l'être humain, il suffit d'observer le monde autour de soi.
La définition d'artiste ré-ai-sonne pour moi en ces termes :
Un jour sur terre, quelqu'un m'a dit :
- Tu es une chercheuse ...
Première clé.
Puis,
La guérisseuse,
par la voie des esprits,
ouvrit les portes de l'être en clamant :
- Tu es une CHERCHEUSE D'AUTHENTICITÉ »
Octobre 2019.
Numa Francillon est né quelque part au nord dans l’année du nonante. il se décrit volontiers comme un chercheur de monde. il est propriétaire d’une cabine téléphonique littéraire. il aime un beau trait autant qu’une belle phrase. il a deux passions secrètes. les baignades hivernales. et le football. on raconte qu’il est parti au caire. il pense à publier un manifeste en faveur du hurlement. si vous êtes en manque de questions, ou ne savez pas quoi faire de vos trop-pleins de mots, écrivez-lui. www.nouma.ch
Il a été sélectionné pour participer au Cenacolo del Monte Verità.
Lauréat du Prix Studer/Ganz 2019, Jean-Marc Huguenin aime traverser les champs pendant l’orage, frôler les crêtes et rentrer par la forêt. Parfois, en hiver, il voudrait encore croire aux sentiments en dévers. Il vit en Erguël mais se rend souvent vers le nord, dans les dunes ou sur le machair, au bord de la mer. Là-bas, il regarde les marées en espérant le retour des oies sauvages. Il a publié un poème bilingue (anglais-espagnol, avec auto-traduction en français) dans le numéro 10 de la revue littéraire « La cinquième saison » : fr-fr.facebook.com
David Janelas est né en 1988. Mais il fait plus jeune, au moins 1993.
Il est comédien, auteur et metteur en scène. Il a commencé sa carrière comme marionnettiste, activité qu'il n'a plus pratiqué depuis quelques années, mais qu'il s'est promis de reprendre un jour, avant son entrée dans un EMS.
À part ça, il parle plusieurs langues, mais ça ne lui a pas donné un plus grand salaire, contrairement à ce que lui disait ses enseignants. Pour l'instant, il vit et travaille essentiellement en Suisse romande. Il est le lauréat de la résidence d'artiste de la ville de Morges. Il passera le premier semestre 2021 au Caire en Egypte.
Alice Kübler été admise à l'institut littéraire suisse de Bienne. Elle commencera ses études en septembre 2020
Lucie Schaeren est sociologue, formatrice d’adultes et artiste titulaire d'un Master "Art in Public Spheres" de l'édhéa. Intéressée par les dynamiques de groupes, elle en décline les dimensions dans ses activités, à savoir les processus collectifs, la place d’une sujet, le sentiment d’appartenance, l’identité. Elle allie les approches sociologiques, didactiques et artistiques dans ses différentes pratiques (accompagnement d’équipes, gestion de projet et travail personnel). Elle est co-fondatrice de l'association Reliefs. Sa pratique artistique est l’espace nécessaire qui lui permet une distance critique vis-à-vis de sa propre posture. Elle s’articule autour de l’écriture et prend diverses formes (installation, travail sonore, édition) avec lesquelles elle explore continuellement la place du sujet dans le monde. www.lucieschaeren.ch