2021
En 2021, le Prix Atelier Studer/Ganz comprenait la participation a un atelier d’écriture de six jours, sous la direction d’Eugène (Meiltz) et d’Antoine Jaccoud à La Ferrière, Hôtel de la Chaux-d'Abel, qui s’est déroulé en deux parties début juillet et fin août, ainsi qu’une lecture publique le 5 novembre 2021 au Théâtre 2.21 de Lausanne. Sur les 98 candidatures, le jury a récompensé les six autrices et auteurs suivants : Léonie Adrover, Alain Ausoni, Isabel Garcia Gomez, Marcel Nagel, Tasha Rumley, Marie Martin Wyler.
Atelier d'écriture
Fin ouverte
On sait quand commence notre atelier Studer/Ganz. La Fondation réserve six chambres à l’Hôtel de la Chaux d’Abel, dans le Jura bernois, plus deux autres chambres pour les animateurs. Tout le monde se retrouve là-haut tel jour à telle heure. On écrit ; on lit à haute voix ; on commente ; on découvre d’autres chemins qu’on n’aurait pas suivis tout seul ; on sort de sa zone de confort. Après deux grands week-ends en juillet et août, on se salue avec émotion, puis chacun rentre à la maison. Est-ce vraiment la fin ? Non, bien sûr. En automne, une lecture publique a lieu dans un théâtre lausannois, durant laquelle les autrices et les auteurs lisent leurs propres textes. Certains participants ont déjà fait de la scène, mais pour la plupart d’entre eux, il s’agit d’une première. Une sorte de baptême littéraire. Cela n’a donc rien d’une fin. Au contraire. Trouver le ton ; trouver le bon débit ; entendre l’effet produit sur le public : toutes ces informations aident énormément pour modifier le texte ou en écrire d’autres. Mais l’atelier Studer/Ganz se termine-t-il vraiment lorsque les derniers applaudissements se dissipent au théâtre 2.21 ? Parfois un texte démarré en atelier, grandit et grandit encore. Il prend l’ampleur d’un roman. Parfois, le roman séduit un éditeur. Comme ce fut le cas il y a quelques années avec Douna Loup qui a sorti L’Embrasure aux éditions Mercure de France, à Paris. Son premier roman. Qui sait ce que deviendront les récits, les monologues, les poèmes produits durant deux fois trois jours d’ateliers, en 2021 ? Des textes sont nés ; des autrices et des auteurs se sont affirmés. La fin est ouverte…
Personnellement, j’ai un repère infaillible. Je sais exactement quand un atelier Studer/Ganz est terminé. Au moment où j’ai liquidé le gros pot de miel bio, acheté le dernier jour, à la réception de l’hôtel. Onctueux, coloré, puissant : ce n’est pas du miel de forêt, c’est un concentré de littérature. Au moment où j’écris ces lignes, le pot est au deux tiers plein. Je suis encore en plein atelier…
Eugène
Autoportrait (de groupe)
Deux sessions de trois jours d’écriture rassemblant des êtres qui ne se connaissent, comme on dit, ni d’Eve ni d’Adam (à part les animateurs, bien sûr, dont la complicité, plus ou moins suspendue durant les deux années qui séparent ces rendez-vous, se réveille avec la célérité d’une marmotte sortant d’hibernation), avec huit semaines d’intervalle entre les deux blocs, c’est peu pour établir les liens de confiance et de bienveillance réciproques nécessaires à l’éclosion d’une bonne ambiance de travail dans un atelier d’écriture. Parfois ça prend tout de suite entre les gens, parfois il faut un peu plus de temps et c’est à la deuxième session que l’on a sentiment de commencer à se connaître, comme auteur-E et comme personne (mais, que l’on se rassure, de mémoire de Studer-Ganz, il n’est jamais arrivé que cela ne prenne pas). L’atelier 2021 aura fait plus vite en la matière que tous les autres. Il y avait peut-être les conditions d’une alchimie magique dans une sélection de quatre femmes et deux hommes opérée dans une masse impressionnante de plus de 80 candidatures. Il y avait peut-être quelque chose comme un effet Covid qui poussait chacun à aller -avec masque, certes, mais sans bouclier- à la rencontre de l’autre avec enthousiasme. Il y eut plus probablement aussi l’effet de la première consigne d’écriture : faites votre autoportrait. Un acte inaugural exigeant qui portait en lui toutes les difficultés d’un atelier de ce type, voire de l’acte littéraire lui-même. Fallait-il, pour dessiner ce portrait de soi face à des inconnus, s’exposer avec les mots ou se cacher derrière eux ? Fallait-il se dire ou se contenter de dire ? La réponse ne pouvait être que littéraire, c’est-à-dire au-delà des communes antithèses entre vérité et mensonge, réalité et fiction, autrement dit, quelque part entre ces deux instances. Mais cette réponse fut en tous les cas d’une absolue sincérité. De là découla peut-être ce sentiment qu’on se connaissait maintenant. Du moins assez pour se faire confiance. Et qu’on pouvait sans plus tarder se mettre au boulot. L’atelier Studer-Ganz 8 e édition pouvait commencer.
Antoine Jaccoud, novembre 2021
Lecture
Six jours et une heure
(Souvenirs d’une lecture au Théâtre 2.21 à Lausanne)
En descendant de l’Hotel de la Chaux d’Abel, perché sur la crête du Jura, Antoine Jaccoud et moi avons demandé aux six participant.e.s de sélectionner quelques textes écrits durant les six jours d’écriture. Il faut arriver à dix minutes de lecture chacun.e. Le compte est simple. Six fois dix minutes : nous obtenons une heure sur scène. Car la lecture de quelques textes dans un théâtre fait partie intégrante du Prix Studer/Ganz.
Nous rappelons aux participant.e.s qu’ils peuvent retoucher, remanier ou élaguer leurs textes. Mais peut-être pas de fond en comble. Le résultat final devrait quand même refléter le travail effectué en atelier.
Deux semaines avant la soirée, les auteurs et autrices nous envoient leur sélection. A Antoine et moi d’imaginer un ordre de passage. Par exemple, regrouper les monologues, répartir sur la durée plusieurs textes court de manière à créer un fil rouge, veiller à ce que chacun.e prenne régulièrement la parole.
Le Théâtre 2.21 est un écrin parfait pour accueillir des textes produits en atelier. Le plateau n’est pas trop grand ; le public est assis autour de tables rondes rappelant l’ambiance du cabaret ; des soirées slam ou lecture y sont souvent programmés, durant la saison.
Partis de Genève, Sainte-Croix, Delémont ou Lausanne, les six lauréat.e.s débarquent au 2.21 trois heures avant la lecture. Six pieds de micros les attendent sur la scène. On dirait les colonnes d’un temple grec. On visite la loge des artistes ; on plisse les yeux durant les essais lumière ; on découvre sa voix amplifiée par les hauts-parleurs ; on répète les enchainements, on boit un thé ; on commande un verre de vin rouge au bar. Parmi les six, quelques-uns ont déjà la pratique de la scène. Mais pour la plupart, c’est une nouveauté absolue. Il faut bien une première fois, non ? Mieux : heureux celui qui se donne l’occasion de vivre des premières fois !
La lecture se déroule à merveille. Un silence empli d’empathie et de curiosité flotte dans la salle. Les lectrices et les lecteurs enchaînent leurs textes avec émotion, humour et assurance. On jurerait qu’ils font partie d’un collectif ayant déjà des années de pratique derrière lui !
Mais au fond, quoi de plus normal ? Passer six jours autour d’une table à écrire et partager des textes, ça soude. Cette proximité se ressent sur scène. Six jours et une heure : telle est l’expérience proposée par la Fondation Studer/Ganz.
Eugène
Portraits et textes
Léonie Adrover est née en 1982. Journaliste et formatrice, mariée, maman de deux enfants, elle vit et travaille à Delémont, dans le Jura. Elle se rêve écrivaine depuis sa découverte des joies de la lecture, et consacre aux livres et à l’écriture une grande partie de son temps libre.
Cartes postales
Confiture
Je sens mon estomac
Alain Ausoni se gratte les cheveux quand on lui demande ce qu’il fabrique, ou son âge. Devant les étudiants de l’UNIL, ses filles ou son ordinateur, il se dit que les mots c’est important, presque autant que les histoires. Il en a entendu de belles depuis 1980 (une soustraction et on est bon) et a dit trop souvent merci paraît-il... Pas plus loin que dans cinq mots, il dira d’ailleurs merci à la Fondation Studer/Ganz pour ses encouragements appréciés et une expérience mémorable.
12 novembre
Autoportrait
Le cerisier de la Chaux d'Abel
Isabel Garcia Gomez vit à Genève, où elle est conservatrice-restauratrice dans un musée. L’écriture lui offre un terrain de jeu mêlant liberté et contraintes de forme et de travail, dans lesquelles aucune limite de progression n’existe. A côté de l’écriture de romans qu’elle aborde comme des voyages au long cours vers des terres inconnues, elle aime se confronter à l’instantanéité de la nouvelle, qui lui permet d’entretenir l’agilité de son écriture et sa créativité.
Avec ou sans sucre
Ce que vous n’avez jamais su d’Oscar Z.
Un petit zeste d'agrume
Marcel Nagel né à Porrentruy le 5 décembre 1955. Diplôme d’instituteur. Comédien et metteur en scène depuis 1976. Collabore avec le TPR à la Chaux-de-Fonds, 1974-1979. Travaille régulièrement avec André Steiger, années 80, à Lausanne et Genève. Assistant de François Rochaix 1993-1995 : La Traviata Opera North, Leeds, L’Orestie American Repertory Theatre at Harvard University, USA, Nabucco Grand Théâtre de Genève. Mise en scène: notamment Cabaret Karl Valentin à Vevey en 1995 et Curlew River de Benjamin Britten, opéra d’église présenté à la cathédrale de Lausanne lors du Festival de la Cité 1996 et à Cuenca, Espagne, à Pâques 1997. Travaille dans la relation d’aide à l’enfance en difficulté, notamment dans le monde de l’autisme : 1997-2020. Écrit depuis l’adolescence. Tient un journal quotidien depuis 1996.
Textes
Autrefois journaliste à L’Hebdo, Tasha Rumley est une Vaudoise qui s’est consacrée aux missions humanitaires comme déléguée du CICR. Slaviste de formation, elle a oeuvré en Afrique et surtout en ex-URSS, des prisons kirghizes à l’éclatement de la guerre du Donbass. Passionnée de langues et de mots qu’elle collectionne comme une chasseuse de papillons sonores, elle saute volontiers d’un idiome à l’autre, à l’affût d’un dicton intraduisible ou d’une rime comestible. Tasha Rumley vit dorénavant sur la terre de ses ancêtres, à Ste-Croix (VD). De jour, elle perpétue son engagement humanitaire à Genève. De nuit, elle s’adonne à l’écriture littéraire, poétique et essayiste.
Imperfection
En grève
Solliloque d'un arbre
Le 23 juin 1990, on attribue à Marie le nom «Wyler » de son père suisse sur ses papiers français et le nom « Martin » de sa mère française sur ses papiers suisses. La cause de ce phénomène extraordinaire reste floue, bien qu’on suppute que les législations alambiquées de l’époque combinées à l’indécision de ses parents non mariés y sont pour quelque chose. Quoiqu’il en soit, Marie se trouve dès la naissance dotée d’une double identité dont elle jouera à loisir au gré des lieux infiltrés et des personnages rencontrés (comme on dit, avoir le cul entre deux chaises est certes inconfortable mais permet d’acquérir une certaine souplesse). Addiction ou trouble génétique, ce petit jeu fit peu à peu d’elle une personne à choix multiple, et on la connaît aujourd’hui sous les traits de juriste, actrice, chargée de projets pour le compte d’une organisation non gouvernementale, jardinière à temps partiel et écrivaine (ce dernier statut restant à confirmer).
Imperfection
La répétition
L’arbre